La course à l’innovation dans l’enseignement

L’adjectif « innovant » est devenu à la mode ces dernières années dans le monde de l’éducation. Il ne semble pas possible d’être considéré comme un bon enseignant si on n’est pas qualifié d' »innovant ».

Ce leitmotiv est présent à toutes les strates de l’enseignement.

On a vu apparaitre le Forum des enseignants innovants (dont le site internet est d’ailleurs loin d’être innovant entre les liens cassés et le logo pixelisé).

L’état a également dépensé des millions d’euros dans des projets qui se devaient eux aussi d’être innovants : les projets e-Fran et ceux e-education.

De même l’école doit être innovante !

L’innovationnite aiguë atteint aussi directement des collègues, notamment dans le domaine du numérique.

Des enseignants semblent lancés dans une course à la celui qui testera la nouvelle application de la mort sans se préoccuper vraiment des conditions d’utilisation. Puisqu’on peut l’utiliser, pourquoi s’en priver, n’est-ce pas ?

Certains semblent s’être donné pour objectif d’utiliser tout nouveau matériel qui arrive sur le marché, une montre connecté, un drône… Même si cela peut faire des séances intéressantes, je reste très perplexe quant à la rentabilité pédagogique de certains dispositifs (temps d’investissement pour l’enseignant et l’enfant par rapport au gain d’acquisition). Sans parler du manque d’objectivité, de distance qu’ont certains envers telle ou telle marque.

Dans la même veine, on a eu plusieurs modes dans les prescriptions d’achat de matériel informatique dans les écoles. On est passé des salles informatiques, aux TBI, classes mobiles d’ordinateurs portables, des flottes de tablettes, classes mobiles de chromebooks et j’en oublie certainement. On oublie deux choses essentielles dans cette démarche de renouvellement perpétuel.

La première c’est que les prescripteurs ne sont pas les payeurs. Les mairies ne voient pas d’un bon œil de devoir renouveler si régulièrement le matériel investi et cela me semble cohérent.

La seconde est le temps d’assimilation par les enseignants (pas les geeks friands de nouveautés, non, l’enseignant normal). Prenons un exemple que je connais bien, celui de mon école. Nous avons, entre autres, une salle informatique qui est utilisée par au moins 4 classes chaque semaine. Ce matériel est vieillissant, les PC ont plus de 10 ans et tournent sous Windows XP. Les collègues utilisent beaucoup les logiciels de la compilation Kitinstit créée à l’époque par l’association PragmaTice, les séries Zoom conçues par un éditeur privé et la suite bureautique LibreOffice. La facilité et la sécurité voudrait depuis quelques années que je mette PrimTux sur tous ces PC là. Mais cela demande du temps ! Pas seulement pour installer le système d’exploitation sur ces machines mais surtout pour que chaque collègue puisse retrouver les équivalence des logiciels qu’il utilise. L’objectif n’est pas que le changement décourage les enseignants.

Et c’est un risque que je pointe avec cette course effrénée à l’innovation : celui de ne pas faire monter dans le wagon des nouvelles technologies la très grande majorité des enseignants qui risquerait d’être découragée avant même de commencer devant ce trop grand afflux de nouveautés.

 

S’il me semble intéressant d’avoir des enseignants curieux qui testent et expliquent l’intérêt, le potentiel de tel dispositif ou tel matériel, il ne faut pas que l’innovation devienne l’objectif principal de l’enseignement. Oui, on peut mettre en valeur des situations pédagogiques, des outils… qui fonctionnent mais ceux-ci doivent-ils être forcément être innovants ?

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3 réponses

  1. Odysseus dit :

    Effectivement, tout à fait d’accord.
    Une nouveauté chasse bien souvent la précédente. Pas toujours en informatique d’ailleurs, dans les méthodes pédagogiques également si bien que, parfois même, une ancienne méthode remise au goût du jour est qualifiée de nouveauté. Un exemple : le cours magistral…

  2. cyrille dit :

    Je voulais au départ que l’article parle aussi de « l’innovation pédagogique ». Mais comme cela commençait déjà à être assez long et que perso, je n’aime pas les articles trop longs, alors j’ai zappé. Peut-être un jour, un prochain article dessus.

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