Mardi 18 juillet 1950
Le lever à 7h30 est pénible. Nous devons attendre pour faire notre toilette que les colons aient fini la leur.
Pour la première fois, nous mangeons en plein air par table de dix. Nous sommes plus à l’aise et plus tranquille qu’au réfectoire.
De grandes bassines pleines de légumes sont apportées par des servantes. L’épluchage rapide s’effectue joyeusement au milieu des chants, des critiques de filles.
Nos affaires rangées dans les tentes, nous allons à la plage. Yolande est dérangée. Dans les rochers découverts par la mer nous cherchons des crabes. Une femme, munie d’un long crochet fouille les rochers ; les crabes qui sortent sont saisis habilement et jetés dans un broc.
On découvre quelques étoiles de mer.
La mer est plus agitée que la veille ; aussi, la baignade est plus amusante. Il est impossible d’en sortir Cousson et Annie.
Avant de remonter déjeuner, nous jouons au volleyball avec un gros estivant sympathique qui tutoie Dudule.
Le déjeuner à l’ombre des arbres est vraiment agréable. On va chercher les plats à la cuisine chacun son tour. On savoure le thon à la mayonnaise. Les tables rapidement desservies, nous montons dans le car. Les sacs contenant le gouter y sont chargés.
En route jusqu’à Mindin situé sur l’estuaire de la Loire. Nous traversons la forêt de pins parsemée de jolies petites villas.
Le car se range sur la place de l’embarcadère. Tous les voyageurs descendent.
M. B. entre dans un baraquement qui sert de salle d’attente et de gare maritime. Il revient avec les billets pour la traversée par le bac.
En attendant l’arrivée de notre bateau nous voyons sur la plage : des bateaux de pêche échoués sur le sable et de l’autre côté de l’estuaire le grand port de Saint-Nazaire.
Le bateau arrive : sa sirène avertit les voyageurs de son passage. Il accoste au ponton flottant ; sa porte s’abaisse ; ses passagers montent la passerelle suivis des voitures. Le débarquement achevé nous descendons la passerelle et embarquons ; des autos se rangent sur le pont. L’embarquement terminé, la porte se relève ; les amarres sont détachées ; le moteur fait vibrer le bateau sous nos pieds ; il manœuvre pour prendre la direction de Saint-Nazaire.
Pour mieux jouir de la traversée nous montons sur la passerelle avant. On sent un léger roulis. Le vent nous rafraichit et nous dépeigne. Le bac suit un chenal balisé d’énormes bouées jusqu’au port de Saint-Nazaire. La traversée d’environ 4km a durée 20min. Nous débarquons sur la passerelle du ponton flottant.
Il est 14h : la chaleur est accablante. Nous visitons le port : ses remorqueurs, ses chalutiers, ses chantiers, les fortifications colossales de sa base sous-marine.
Des pièces détachées de bateau sur les quais : hélices énormes, ancres, bouées, cordages gros comme le bras.
Enfin, dans un bassin gardé militairement, le Liberté en réparation : ses cheminées gigantesques fumaient, une nuée d’ouvriers y travaillaient. Par trois passerelles, ils entraient et sortaient du flanc du navire percé d’une multitude de hublots.
Nous restons longtemps en admiration devant ce superbe navire qui nous domine de sa hauteur formidable.
Nous visitons les quartiers de la ville avoisinant le port. Toutes les maisons, détruites par les bombardements, sont remplacées par des maisons préfabriquées sans étage, toutes du même modèle.
Nous regagnons le bord de la côte encore jonchée de démolitions.
Sur la jetée qui abrite le port nous regardons un pêcheur : à l’aide d’un treuil, il descend dans l’eau un grand carrelet ; il attend quelques instants et remonte vivement son filet ; dedans frétillent des petits poissons, parfois une méduse, des anguilles. À l’aide d’une épuisette, il sort l’anguille du carrelet et l’introduit dans une caisse où plusieurs anguilles et d’autres poissons se débattent vigoureusement. Il recommence toujours ce même manège souvent infructueux.
De retour au port, nous embarquons à 17h sur le plus petit des deux bacs qui assure la traversée. Nous évitons ainsi l’affluence ouvrière des bacs suivants.
Le bac plus léger roule assez fortement : il rejoint Mindin par le chenal habituel ; le ponton flottant du débarcadère soulevé par la marée, sa passerelle est moins en pente.
Nous remontons dans notre car transformé en étuve par le soleil ardent ; il démarre et un petit courant d’air nous rafraichit. Il quitte la route de Saint-Michel pour regagner la côté à Saint Brévin l’Océan.
Notre car stoppe à proximité de la plage au milieu des manèges qui occupent la place du village : c’est la fête patronale.
Comme l’après-midi s’avance, nous gagnons la plage et vivement nous enfilons nos maillots de bain.
La place de Saint Brévin est très étendue et grouillante de baigneurs.
Les plus hardis d’entre nous plongent à travers les hautes vagues qui déferlent sur la plage. Nous essayons dans l’eau toutes sortes de cabrioles. Des courants, tantôt tièdes, tantôt glacés, nous poussent loin de notre vestiaire en plein air.
Nous y retournons en galopant dans les vagues : l’air est frais, le rhabillage est rapide. Le gouter distribué est le bienvenu car la visite de Saint Nazaire et la baignade ont aiguisé les appétits.
Quelques-uns vont sur la fête acheter des friandises et nous remontons dans notre car. En un quart d’heure, nous sommes de retour à la colonie.
Le temps d’étendre nos caleçons et c’est l’heure du diner excellent et copieux. Repus et fatigués nous gagnons nos tentes. Des filles, surtout les petites, décident d’aller au cinéma avec Mme B. On y joue « Chanson d’Avril ».
La majorité des garçons et le reste des filles vont jouer dans la lande en attendant la nuit : jeux d’approche, de quatre coins, de béret…
L’obscurité nous oblige à nous coucher ; les garçons s’endorment rapidement ; les filles profitent de l’absence de leurs camarades pour leur faire des farces, au retour du cinéma, quelques-unes trouvant au fond de leur lit des étoiles de mer, des algues : c’est le chahut. Mais la fatigue a bien vite raison de la nervosité des filles.