Doudou volé
JohannC (l’illustrateur de « Accusée, levez-vous ! ») a proposé l’idée de créer un univers avec des personnages récurrents. Il a créé des personnages, des #togomo.
C’est à partir de ces premiers dessins que les idées sont venues.
Voici donc la première aventure de deux personnages Zélina et Isirio ainsi que les premières illustrations créées par JohannC.
Doudou volé
« Turrruititittit, Turrruititittit »
Allez, debout, il est l’heure de sortir de sous la couette. Quelle bonne idée tout de même d’avoir mis le chant de la mésange en guise de sonnerie pour me réveiller en douceur.
Ce matin, comme tous les matins à vrai dire, je ne traine pas trop pour m’habiller et j’enchaine avec le petit déjeuner. Je veux absolument faire un tour dans mon potager avant de partir pour l’école. Au menu de mon petit déjeuner : fruit de saison (aujourd’hui une pomme du verger du village), un yaourt « C’est qui le chef ?! » et une brioche maison. Je file ensuite déambuler au milieu de mes plantations. Je ne peux pas commencer une journée sans aller vérifier la bonne santé de mon jardin. En ce moment, ce sont les bébés courgettes qui viennent d’apparaitre depuis quelques jours qui attirent toute mon attention. Je vérifie qu’elles aient assez d’eau mais pas trop non plus. Je guette également que mes ennemis du moment, les limaces et les escargots, n’aient pas pointé le bout de leurs antennes. Ils ont un féroce appétit et raffolent des jeunes pouces du potager.
« Tuuuut Uuut, Tuuuut Uuut, Tuuuut Uuut, Tuuuut Uuut »
Oh, non déjà, ce n’est pas possible ! Je ne veux encore dormiiiirrrr…
…
« Tuuuut Uuut, Tuuuut Uuut, Tuuuut Uuut, Tuuuut Uuut »
Oui, oui, c’est bon, je me lève. J’ai plutôt intérêt à ne pas trop trainer car après la troisième alarme de mon réveil, le REZ (Réveil Express de Zélina) se met en route. Ce dispositif m’empêche de me rendormir. Si au bout de la troisième alarme, le détecteur de poids situé sous mon matelas enregistre ma présence alors le haut du lit se lève progressivement jusqu’à me faire chuter. Un peu radical mais indispensable. Personne ne m’a imposé ce système. J’en suis même la conceptrice. Je me connais bien et je sais que j’ai tendance à veiller un peu tard le soir face à mes écrans. J’ai donc parfois du mal à émerger de mes rêves.
Une fois mes céréales au chocolat englouties, je me prépare pour l’école en n’oubliant surtout pas mon ordinateur portable. Comme toutes mes autres machines, il contient une copie de toute ma jeune vie : mes photos et vidéos, ma musique mais surtout les plans de mes inventions et les brides de projets encore en germination que je n’ai pas encore concrétisés
Comme tous les matins, j’attends quelques minutes devant chez elle que Zélina ait fini de se préparer. Zélina est ma voisine. Sur le chemin, nous en profitons pour papoter. Mon amie m’explique comment elle a modélisé une nouvelle pièce pour son imprimante 3D tandis que je lui raconte ma découverte d’une variété ancienne de pois, les Mangetout De Weggis qui ont la particularité de posséder de jolies fleurs violettes.
Nous conversons ainsi jusqu’à notre arrivée devant le portail de notre école, l’unique de Togomoville. Nous nous arrêtons soudainement. Devant l’établissement scolaire un petit pleure à chaudes larmes.
« Que t’arrive-t-il, m’enquiers-je ?
— Bouh… dou… bouh… dou…
— Calme-toi et explique-nous, tenté-je.
— Bouh… dou… bouh… dou…
— Ça suffit maintenant, arrête de pleurer, interrompt Zélina avec son manque de tact habituel. »
Au grand étonnement d’Isirio, mon intervention quelque peu abrupte se révèle efficace. Le petit se calme un peu ce qui lui permet de s’exprimer plus facilement :
« J’ai perdu mon doudou, renifle-t-il
— Où l’as-tu vu pour la dernière fois ? continué-je.
— Comme tous les matins, je l’ai mis dans la petite poche de mon cartable en partant. Et là, en arrivant devant la grille, je regarde et il n’est plus là.
— Rassure-toi, nous allons t’aider à le retrouver. »
Avec Isirio, nous commençons alors à chercher tout autour de l’école, en vain. Nous vérifions à tout hasard dans le sac du petit Tibien, rien non plus. Nous poussons un peu plus loin sur le chemin qu’a pris le petit pour venir. Je regarde à gauche sur la route et sous les voitures stationnées le long de la voie de circulation.
Pour ma part, je porte son attention sur le bas-côté et plus particulièrement dans le fossé qui est bien encombré entre les végétaux et les divers détritus jetés. Malgré ma recherche scrupuleuse, je ne peux s’empêcher de penser que les humains sont de gros cochons. Mais je me ravise en me disant que cette comparaison n’est pas flatteuse pour les porcelets et leurs parents. Je me rappelle avoir visité une porcherie l’été dernier et celle-ci était remarquablement propre. Après avoir refait intégralement, aller et retour, le trajet entre l’école et le domicile du petit Tibien (ce qui allait assez vite, celui-ci habitant assez près de l’école), nous nous rendons à l’évidence : aucune trace du doudou.
Nous promettons au petit Tibien de mener l’enquête pour retrouver son doudou. Nous l’accompagnons jusqu’à sa classe et nous servons de cette excuse pour justifier notre arrivée tardive.
Les premières heures de cours passent relativement vite. Mme Avrile, notre enseignante, trouve chaque jour une nouvelle idée originale pour nous motiver à apprendre. Aujourd’hui, nous avons conçu des cocottes pour nous aider à enregistrer ces fichues tables de multiplication.
À la récréation, nous nous isolons avec Isirio du reste de nos camarades de classe. Nous nous retrouvons pour parler de cette histoire de doudou. Nous avons donné notre parole au petit, un peu dans le feu de l’action, c’est vrai, mais nous comptons bien la tenir. Et puis avec Isirio nous adorons les mystères et enquêter même si nous avons bien conscience qu’on est loin d’une aventure de Sherlock Holmes ou des Experts à Tahiti. Nous nous demandons tout de même comment nous allons bien pouvoir récolter des indices et retrouver le précieux doudou en bon état… du moins, nous l’espérons.
Le midi, nous faisons le chemin en sens inverse pour rentrer manger chez nous. Sur le trajet, j’aperçois un autocollant qui va peut-être nous faire avancer dans nos recherches. En tout cas, il nous offre une piste pour sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes. Sur une des boites aux lettres, je vois le logo « VOISINS SURVEILLANTS ». Bien que je n’apprécie pas beaucoup cet organisme et que je préférais voir fleurir des écussons « Voisins bienveillants », je remercie intérieurement le maire de la commune de payer si cher pour y adhérer et d’avoir dû installer des caméras de surveillance à différents endroits de la commune.
« Dis Zélina, au niveau sécurité cela vaut quoi ces caméras ? questionné-je.
— Tu sais bien ce que j’en pense. Le jour où on verra une caméra sauter de son poteau et venir arrêter un agresseur, je changerais peut-être d’avis.
— Je ne te parle pas de cette sécurité-là ! Et puis, tu vas peut-être voir une utilité à ces caméras.
— J’en doute mais explique-moi tout de même ton idée.
— Je sais que les réseaux informatiques n’ont pas de secret pour toi…
— … Je connais quelques bases…
— Ne sois pas modeste. Est-ce que tu serais capable de pénétrer les serveurs de « VOISINS SURVEILLANTS » pour y récupérer la vidéo de ce matin de la caméra placée face à l’école ? Ainsi nous pourrions peut-être voir comment ce doudou a disparu.
— Cela m’amuserait de tenter. Toutefois, je ne te garantis pas le résultat. Et rien ne nous assure que la perte de ce doudou se soit déroulée devant l’école.
— Super, m’enthousiasmé-je immédiatement sans pendre en compte les réserves de ma camarade.
— Je tente ce soir, en attendant, filons manger sinon nous serons de nouveau en retard pour l’école cet après-midi. Une fois par jour, c’est déjà bien suffisant. »
Dès la fin de la classe, après avoir pris un rapide goûter, je m’attaque à ce nouveau défi : hacker le serveur de « VOISINS SURVEILLANTS ». Avant de m’installer devant mon écran, je ressens un mélange d’excitation et d’inquiétude. Vais-je réussir à pénétrer leur système sans, évidemment, laisser de trace comme toute bonne hackeuse ?
Finalement, cette première étape est réalisée en assez peu de temps avec une telle facilité que c’en est presque frustrant. Il faut dire qu’ils n’ont pas été très imaginatifs pour les mots de passe. Pour une société théoriquement chargée de la sécurité des habitants, c’en est inquiétant. En farfouillant un peu, je découvre que la gestion des caméras de surveillance est déléguée à une autre entreprise. Retour au point de départ.
Après le diner, avalé aussi rapidement que le gouter, je m’attèle à pénétrer un nouveau serveur. La tâche est ce coup-ci plus laborieuse. J’alterne, enchaine et combine différentes techniques pour essayer de relever ce challenge. Ce n’est que tard dans la nuit que je réussis à vaincre leurs différents protocoles de sécurité et à récupérer la vidéo recherchée. Épuisée, je prends juste la peine d’effacer les traces de mon passage sur les serveurs, mais je n’ai plus la force de visionner l’intégralité de la vidéo. Je le ne ferai plus tard avec Isirio.
Ce mercredi matin a beau être une journée sans classe, je me lève tôt, toujours réveillé par le doux chant de la mésange. Je rejoins Zélina chez elle dès 8 heures. Même si les cernes sous ses yeux trahissent son manque de sommeil, les étoiles dans ceux-ci traduisent sa fierté d’avoir réussi ce défi informatique. Nous nous installons devant l’écran de l’ordinateur. Vu sa dimension, nous ne devrions pas avoir de difficulté à bien voir cette vidéo. Calés dans les fauteuils, nous la visionnons. Nous observons attentivement l’arrivée progressive des élèves. Enfin, voici le petit Tibien. Nous ne notons rien de particulier au premier visionnage. Nous ne nous décourageons pas et nous nous repassons plusieurs fois la vidéo à l’affût d’un détail qui nous aurait échappé. À la cinquième fois, je remarque, juste au moment où Tibien entre dans le champ de vision de la caméra, une main qui saisit le doudou dans le sac puis tout un groupe qui dépasse notre victime.
« Une chose est maintenant certaine, le doudou n’a pas été perdu mais bien volé, déclare Zélina
— Oui, mais il semble impossible d’identifier le voleur avec cette vidéo rétorqué-je.
— Exact. Nous voici guère avancés. Allons faire un tour dans ton potager cela nous aérera les neurones et nous aidera peut-être ainsi à trouver une idée. »
Nous déambulons parmi les différentes plantes, humons les nouvelles variétés de menthes… Isirio ne peut s’empêcher de me parler avec passion de ses bébés courgettes. En les décrivant, il voit une limace prête à dévorer un des légumes. Il la saisit avec deux bâtons et l’envoie faire son baptême de saut en parachute… sans parachute.
« Mais comment ces bestioles peuvent-elles faire autant de dégâts dans le potager alors qu’elles avancent au ralenti…
— … au ralenti, mais oui, bien sûr, interromps-je. »
Je file alors en courant dans ma maison sans prendre le temps d’expliquer la raison de mon sprint soudain.
Isirio me suit la suite pour essayer de comprendre pourquoi je viens de rentrer ainsi comme une furie.
« Tu m’expliques pourquoi tu t’es enfuie ainsi ? Ce sont mes courgettes qui t’ont effrayée ?
— Tu es bête, bien sûr que non. Mais ta limace volante m’a bien inspirée. Si on se repasse la vidéo au ralenti, lentement, peut-être verrons-nous un indice qui nous a échappé jusqu’ici, lui expliqué-je.
Nous nous installons de nouveau face à l’écran de mon ordinateur et visionnons alors une nouvelle fois les images de l’enlèvement du doudou mais à vitesse réduite.
« Stop, reviens quelques images en arrière… Regarde, m’indique mon ami, là, on voit quelque chose qui tombe de la main du voleur. Tu peux zoomer pour voir ce que c’est ?
— Impossible, la qualité de la vidéo est trop mauvaise, réponds-je.
— Il ne nous reste plus qu’à retourner sur le lieu du délit et espérer un gros coup de chance pour retrouver ce qui a échappé au voleur, me proposa Isirio. »
Arrivés devant l’école, nous scrutons minutieusement l’endroit exact où le doudou a été subtilisé. Même s’il y a peu de chance de retrouver quoi que ce soit, la météo est avec nous. Ces derniers jours, il n’y a pas eu un brin de vent ni une goutte de pluie qui auraient fait s’évanouir toute possibilité de découvrir ce que le voleur avait dans sa main. Mais rien, vraiment rien d’intéressant au lieu repéré sur la vidéo ! Toutefois, nous décidons de poursuivre un peu plus loin, si jamais un malencontreux coup de pied avait projeté notre potentiel indice à quelques mètres.
« Regarde ces petites boules, indique Zélina, ce ne pourrait pas être cela ?
— Oh oui, ces cosses ressemblent à la forme qui tombe de la main de notre voleur. Il est difficile d’être certain que ce soit ce que nous recherchons mais c’est le seul élément que nous avons trouvé. Nous devons nous en contenter et explorer cette piste. Nous verrons bien si cela nous mène quelque part.
— Et sais-tu d’où proviennent ces cosses ?
— D’un arbre…
— Merci, je ne suis pas totalement idiote. Mais de quel arbre s’agit-il ?
— Eh bien j’hésite entre deux essences. Laisse-moi quelques minutes. Je file chez moi récupérer un livre qui me permettra de trancher et je te rejoins à ton domicile. »
Quelques instants plus tard je débarque chez Zélina avec une encyclopédie des arbres sous le bras, un stylo coincé entre deux feuilles me servant de marque-pages.
« Regarde, il s’agit bien d’un paulownia ! dis-je en ouvrant l’ouvrage à la page indiquée.
— Nous voilà bien avancés, il doit y en avoir des dizaines et des dizaines dans le coin, soupire mon amie.
— Détrompe-toi, cet arbre est plutôt rare dans notre région. Et dans notre village, je n’en vois qu’un seul : dans le jardin de la famille du petit Chenapion.
— Drôle de coïncidence, il fait partie du groupe d’enfants qui a dépassé le petit Tibien juste après le vol.
— Tu crois vraiment aux coïncidences ? rétorqué-je malicieusement. »
Le jeudi matin, pour une fois, Isirio n’a pas eu besoin de m’attendre bien longtemps et nous sommes arrivés les premiers devant l’école. Cela étonne la directrice qui est en train de préparer sa classe et qui nous observe intriguée depuis la fenêtre. Reconnaissons qu’elle a plutôt l’habitude de nous voir arriver parmi les derniers.
Dès que le petit Chenapion se présente, nous l’interpelons. Il reconnaît rapidement avoir pris le doudou et sans que nous ayons besoin de l’y contraindre, il va le rendre au petit Tibien ravi de retrouver son compagnon. Chenapion explique qu’il n’a pas pu s’empêcher de le prendre, jaloux de ses camarades, lui qui n’a jamais eu la chance de posséder un doudou. Son récit me touche et les yeux brillants d’Isirio m’indiquent qu’il n’est pas resté insensible lui non-plus à cette situation.
Le soir même je conçois, découpe et couds un doudou pour Chenapion avec un t-shirt trop petit pour moi. Je suis assez contente du résultat, mais il manque de volume. Je récupère un oreiller qui ne sert à personne à la maison, l’ouvre et je rembourre le doudou avec la garniture.
Avant d’aller nous coucher, Isirio me rejoint dans mon atelier. Il dépose délicatement les courgettes qu’il a cueillies au passage dans son potager à côté de mon clavier. Je lui montre ma réalisation. Il le trouve également très réussi et il apporte sa touche personnelle en le parfumant avec la lavande qu’il part récolter en quatrième vitesse son jardin.
« Je trouve que nous nous sommes drôlement bien débrouillés pour résoudre ce mystère, dit-il, assez fier.
— Ne soyons pas modestes, je crois bien que nous sommes les plus grands détectives de Togomoville ! »
Un coup d’œil vers mon ordinateur et une illumination traversa mon esprit :
« Agence Courgette et Clavier ! Ce serait un nom original qui nous correspondrait parfaitement pour notre duo d’enquêteurs! »
1 réponse
[…] une première aventure où ils ont dû retrouver un doudou, les voici face à un squelette […]