Les Kallikantzaroi et l’arbre du monde

En lisant un article sur les Noël à travers le monde, j’ai découvert la légende de Kallikantzaroi. Ne trouvant que des brides d’informations par ci par là, j’ai eu envie d’inventer ma version. La voici.

En cette fin décembre, dans les Balkans, les familles se réjouissaient de fêter Noël, de profiter de moments en famille, d’échanger les présents soigneusement choisis.

Mais cette année-là, l’attention de chacun allait devoir être au maximum à cause de créatures malfaisantes : les Kallikantzaroi !

Les Kallikantzaroi, même les plus grands d’entre eux, atteignaient à peine la taille d’un enfant de huit ans. Toutefois, aucun risque de les confondre avec un humain : ils étaient bien trop laids ! Même s’il en existait de différentes sortes, tous partageaient des caractéristiques communes. Détaillons leur apparence. Le bas de leur corps — de leurs pieds, ou plutôt devrait-on dire sabots jusqu’à leur nombril — était constitué de pattes et d’une queue de chèvre, de cheval ou encore de sanglier. Leur partie supérieure ressemblait vaguement à la nôtre mais en bien plus poilue. Leurs dents, leurs oreilles et leurs ongles étaient plus proéminents et pointus que les nôtres. Et même dans l’obscurité la plus profonde, impossible de rater leur présence : ils dégageaient une odeur particulièrement nauséabonde.

Les Kallikantzaroi vivaient sous terre, plus précisément près de l’arbre du monde, cet arbre extraordinaire qui soutient notre planète. Que faisaient ces petits êtres maléfiques à cet endroit ? En bien, tout simplement, ils passaient leurs journées entières dans le noir à scier le tronc de cet arbre majestueux avec un seul objectif : le sectionner totalement et ainsi apporter le chaos sur terre. Son diamètre était tellement imposant que les Kallikantzaroi avaient besoin de près d’une année pour l’entailler entièrement. On pouvait les entendre se donner de l’allant en criant « Et un, deux, un deux… ». Jamais, ils ne comptaient plus que deux, non parce qu’ils étaient totalement stupides — quoique personne n’a jamais pu prouver le contraire — mais parce que le trois était un nombre sacré pour ces diablotins. Si jamais l’un d’eux avait dû le prononcer, il serait mort sur-le-champ.

En ce mois de décembre, le tronc était donc presque totalement sectionné et l’arbre du monde commençait à dépérir. Il oscillait de droite à gauche et il ne manquait presque rien pour qu’il tombe, entrainant avec lui la fin de l’humanité. Mais il faut savoir que les Kallikantzaroi étaient aussi craintifs que méchants. Ainsi, de peur que l’arbre ne les écrase dans sa chute, ils fuirent le monde souterrain pour rejoindre la surface.

Ne supportant guère la lumière du jour, ils profitèrent alors des longues nuits de décembre pour commettre leurs méfaits. Ils pénétraient dans les maisons en glissant dans la cheminée lorsque tout le monde dormait. Ils s’en donnaient alors à cœur joie. Ils lancèrent les aliments du sellier contre les murs, sortirent les vêtements des placards et les souillèrent…

Au réveil, les villageois restèrent interloqués face à ce carnage. Ils remarquèrent des empreintes de sabots partant de la cheminée. Ils décidèrent donc, dans chaque maison d’alimenter suffisamment le feu pour qu’il reste actif toute la nuit et empêche le passage des créatures.

La nuit suivante, les Kallikantzaroi furent bel et bien freinés dans leurs méfaits. Ils se concentrèrent alors sur les quelques maisons qui n’avaient pas suffisamment approvisionné le foyer en bûches ou sur celles inoccupées. Dans ces dernières, ils prirent un malin plaisir à briser la vaisselle au sol, casser les fenêtres…

Pendant les nuits qui suivirent, tous les accès par les cheminées furent condamnés par des feux entretenus en continu. Frustrés, les Kallikantzaroi ne pouvaient plus assouvir leurs désirs destructeurs.

Il leur fallut quelques jours pour comprendre qu’ils pouvaient accéder à l’intérieur des maisons par d’autres moyens. Ils se mirent alors à fracturer les portes. Ils se déchainèrent alors de plus belle, allant même, pour certains d’entre eux, jusqu’à uriner et déféquer sur le sol.

Au réveil, les habitants étaient totalement désemparés face aux dégâts subis, eux qui espéraient avoir trouvé une parade aux intrusions de ces diablotins. Toutes les maisons avaient été touchées, sauf une. Ils essayèrent de comprendre pourquoi elle avait été épargnée. La serrure n’était pourtant pas plus solide que celle des autres demeures. La seule différence notable était une vieille passoire accrochée en guise de décoration sur la porte. Sans vraiment comprendre ce qui avait pu se produire et sans réellement être convaincus de l’intérêt de cette action, chacun accrocha une passoire sur la porte avant de se coucher.

Le lendemain matin : rien. Pas un seul dégât dans les maisons. Cette technique, pour le moins insolite avait fonctionné.

Quand les Kallikantzaroi s’étaient retrouvés face à ces passoires, ils avaient été comme hypnotisés par ces ustensiles. On les avait vu immobiles, tentant de compter le nombre de trous qu’elles possédaient : « Un, deux… » Et comme ils ne pouvaient pas prononcer le nombre trois sous peine d’être exterminés, ils recommençaient « Un, deux… » encore et encore, jusqu’à l’arrivée des premières lueurs du matin qui les sortaient de leur torpeur.

Après quelques nuits de nouvelles tentatives, ils durent se rendre à l’évidence : ils étaient impuissants face au magnétisme de ces passoires. Les premiers jours de janvier étaient arrivés, les nuits raccourcissaient et le chaos qui aurait dû se produire avec la chute de l’arbre du monde n’était toujours pas là. Les Kallikantzaroi prirent la décision de retourner sous terre pour achever leur œuvre et exterminer totalement l’arbre.

Mais les petits êtres malfaisants furent dépités en revenant près du tronc. Plus aucune entaille. Il s’était totalement régénéré, aussi fort qu’auparavant, peut-être davantage. L’énergie de solidarité des villageois lors des attaques, ainsi les sentiments positifs des humains pendant les fêtes de Noël, avaient redonné de la vigueur à l’arbre.

Les Kallikanzaroi reprirent leurs scies et entreprirent de le couper de nouveau.

« Et un, deux, un deux… »

Version librement inspirée des légendes des balkans et écrite par Cyrille Largillier.

Texte sous licence libre creative commons by-sa

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